HAWAÏ 2004 : A la découverte du mythe .


(Merci à Yann pour ce super compte-rendu …)

Préparation

             Pour cet événement tout particulier qui constituait pour moi une découverte, j’ai débuté une préparation spécifique à la mi-Août.

Au programme : un premier cycle axé sur du foncier avec une grosse part d’endurance fondamentale, un second basé à la fois sur une configuration type Hawaii et un travail à l’allure course.  Enfin, une courte période d’affûtage avant de s’envoler pour Kona le 09 Octobre.

            Si mon tableau de marche a pu être respecté convenablement en natation et en cyclisme, il a largement été perturbé en course à pied à cause d’une tendinite tenace au genou, consécutive à l’Ironman de Lanzarote. Repos et séances kiné ont donc été de mise pendant une grosse partie de l’été, et ce n’est que début Septembre que j’ai pu recommencer à trottiner…

             Le volume hebdomadaire par discipline fut donc réparti comme suit (soit une charge globale comprise entre 14 et 19h par semaine.)

·         Natation : entre 12 et 20 km (4 séances)

·         Vélo : entre 250 et 300 km (3 ou 4 séances)

·         Course à pied : entre 30 et 50 km (3 ou 4 séances) pendant la période où j’ai pu courir…

            A cette période de l’année, les jours raccourcissant ont constitué une difficulté supplémentaire dans l’entraînement.. Home-trainer pour le vélo et lampe frontale pour la course à pied ont donc été des compagnons d’entraînement précieux !

 

Avant-course

Je suis parti avec Anthony Philippe avec qui j’ai partagé une bonne partie de la préparation vélo évoquée ci-dessus : ensemble, on s’est tirés de bons « bouts de droits » allure course et il m’a fait bénéficié de son expérience d’Hawaii, lui qui participe pour la 3ème fois au mythe.

Nous arrivons une semaine avant la course afin d’habituer l’organisme au décalage horaire (- 12h) et au climat chaud et humide.

            Cette semaine n’est pas de trop car les sensations à l’issue des premiers entraînements sur place sont mitigées… Mais la douceur de cette île paradisiaque ainsi que l’engouement qui règne autour de l’évènement facilitent  l’adaptation… Célébrités triathlétiques encore en activités ou anciennes (mais toujours affûtées comme des arbalètes...) partagent les entraînements officiels : c’est un vrai plaisir d’évoluer et de communiquer avec ces « monstres » de triathlètes au palmarès fourni.

A Kona, je loge dans un appartement avec Anthony, sa copine Fabienne, et un pro allemand, Jurgen Hauber, avec qui je fais chambre commune. En discutant un peu, j’apprends que mon compagnon de chambrée participe à son 8ème Hawaii et a terminé cette course 3 fois dans le Top 20. Il a en outre cumulé de multiples places d’honneurs dans les Ironman du monde entier (3ème en Australie, 2ème au Brésil, ...). Bref, c’est une aubaine de profiter de son expérience et j’espère accumuler à son contact beaucoup d’ondes positives et un peu de sa force en vue de Samedi !

D’un point de vue entraînement, Anthony et moi la jouons plutôt tranquille, misant sur une fraîcheur maximale le jour J : après tout, le gros du travail est fait et le sort presque scellé ; un entretien minimum suffit. Au programme, séances courtes et moyennement soutenues : natation tous les jours, vélo ou course à pied un jour sur deux. Deux jours avant la course, les sensations reviennent et c’est avec sérénité que j’attends le jour J.

de g. à d : Anthony, Eric Monnet, EricMillar, Didier Gallet, Yann Raymond ... et leurs montures

 

Le film de la course

Lever 4h, petite collation et dernière recharge en glucides pour une journée qui promet d’être longue... Cette épreuve a beau constituer le bouquet de la saison, elle n’en reste pas moins le support des championnats du monde ; pour Anthony comme pour moi, la pression devient au fur et à mesure palpable alors que nous nous dirigeons vers le lieu de la course. Au départ, 1 800 triathlètes dont 150 professionnels qualifiés parmi les 25 Ironman qualificatifs dans le monde. Une effervescence sans pareil règne dans l’aire de départ au moment des derniers préparatifs : marquage des numéros, derniers coups de pompe au vélo, ultime échauffement à sec… il est déjà temps de se diriger vers la ligne de départ.

 

Le départ natation s’effectue immergé dans l’eau. Le parcours est constitué d’un aller-retour dans la baie de Kona avec un demi-tour  matérialisé par deux voiliers en guise de bouées. Je choisis de me poster à droite sur la ligne de départ ; cette position possède l’avantage de correspondre à la trajectoire la plus courte, en revanche, c’est précisément à cet endroit que la concentration de nageurs est la plus importante et cela risque de bagarrer dur au départ…

7h (19h heure française) : ça y est, le coup de canon est parti : comme prévu, les coups pleuvent de toutes parts : surtout ne pas s’affoler sous peine d’asphyxie et prendre garde de ne pas perdre ses lunettes : une natation de 3.9 km sans lunettes dans l’eau salée du Pacifique peut vite se transformer en galère…

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Rapidement, les sensations de glisse semblent correctes et je parviens à trouver mon rythme de croisière dans un groupe qui nage à la même allure. Ce jour, la mer relativement houleuse et un courant contraire lors du retour freinent la progression des concurrents. Cette première discipline passe aisément malgré quelques soucis d’irritation dus au contact de la combinaison sur la peau dans l’eau salée. Je m’extrais de l’eau dans le temps de 1h00’15 : la position que j’occupe alors (250ème), même si je ne la connais pas à ce stade, confirme les sensations que j’ai éprouvées lors de cette première discipline.  Anthony sort un peu plus loin en 1h07’08 mais c’est pour lui le début de sa remontée fantastique...

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Place maintenant au vélo : le parcours de 180km est également constitué d’un aller-retour en direction du nord de Big Island avec un demi-tour dans la petite ville d’Hawi. Il n’est que 8h, mais les rayons du soleil sont déjà annonciateurs de grosse chaleur : j’aurais dû m’arrêter au stand  « crème solaire » à la sortie de la natation au prix d’une poignée de secondes. Mais qu’importe, l’heure n’est pas aux réflexions inutiles : le vélo constitue ma discipline favorite et je dois me concentrer à remonter un peu plus vers la tête de course, tout en ménageant mes forces pour la course à pied. En outre, les jambes « répondent » présentes, donc profitons de ce jour « avec »….

            Une file ininterrompue de cyclistes arpente les longs faux plats bordés par les champs de lave. Il est délicat de doubler sans se faire pénaliser par un arbitre et ici, ils sont sévères. Heureusement, une trentaine de kilomètres avant le demi-tour,  l’apparition d’un fort vent de face effectue une sélection naturelle parmi les concurrents. J’en profite pour accomplir véritablement mon effort, et remonte beaucoup de concurrents durant cette portion. Dix kilomètres après le demi-tour, le vent dans le dos dont j’avais espéré profiter pour récupérer tout en maintenant une allure soutenue, change brusquement de direction. Et c’est à nouveau avec un vent contraire qu’il faut accomplir les 80 derniers kilomètres!

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Ces changements soudains de direction sont monnaie courante ici à Hawaii, mais ils n’en restent pas moins surprenants lorsque l’on s’y retrouve réellement confronté… Je garde la foi en me disant que les difficiles conditions climatiques de cette année doivent contrarier encore plus ceux dont le vélo n’est pas la tasse de thé.

La chaleur est désormais intense et une hydratation importante se révèle primordiale ; heureusement les multiples ravitaillements jonchant le parcours permettent largement de subvenir à ce besoin. La fin du parcours cycliste est extrêmement usante. Les lignes droites à perte de vue ne laissent pas de répit  : il faut tenir fermement le guidon à chaque rafale de vent tout en conservant un aérodynamisme optimal et supporter les premières douleurs dorsales générées par cette position.

            J’entre au parc à vélo dans un état de fatigue avancé après 5h22’16 passées sur la selle, mais le faible nombre de vélos « posés » dans le parc et l’enthousiasme du public me réconfortent quant à ma position (74ème). Anthony suit en 163ème position après un excellent vélo bouclé en 5h27’06.

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La partie la plus délicate de l’Ironman réside dans le marathon, ultime épreuve, et compte tenu des conditions météorologiques du jour, cela promet bien des difficultés… Je choisis de partir prudemment conservant bien à l’esprit mon manque de préparation dans cette discipline. Au 10ème kilomètre, des fourmillements dans les bras me signifient un premier « coup de moins bien » qui ne laisse rien augurer de bon… En effet, habituellement cette première défaillance passagère survient vers le 30ème kilomètre. Je m’alimente du mieux que je peux et la machine repart, (ouf !) ; néanmoins je prends la décision de diminuer ma vitesse de base de manière à lisser l’alternance des passages difficiles et des passages « euphoriques ». Cette stratégie me permet de me recentrer sur mes sensations tandis que de nombreux concurrents me doublent. Peu après le semi-marathon, alors que nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers Energy Lab, je sens une petite tape dans le dos : sans surprise, c’est Anthony qui est revenu et qui court comme un avion. Il est en train de poser là les bases d’une super perf’ à Hawaii cette année ! Nous discutons une petite minute ensemble pour partager nos sensations face au mythe, puis je regarde s’éloigner peu à peu sa foulée légère qui contraste avec la mienne…

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Arrive le secteur d’Energy Lab, la portion la plus critique du marathon d’Hawaii. Elle se situe du 25ème au 30ème km avec un demi-tour en son milieu  : ici, traditionnellement, la chaleur est la plus intense et l’air le plus irrespirable. Par chance, le ciel se voile à cet instant précis et rend plus abordable ce lieu stratégique. En plus cela correspond à un moment où je cours mieux ; je croise Anthony qui continue de très bien courir puis c’est le retour sur la nationale qui nous ramène à l’arrivée à Kona.

Les derniers kilomètres dans la fournaise hawaïenne (la température s’élève à 31°C) se parcourent au mental mais je sais que l’arrivée n’est pas loin et l’idée d’être bientôt « finisher » de l’Ironman d’Hawaii, mon rêve de triathlète, me remplit de courage pour les ultimes mètres.  Je boucle un marathon laborieux en 3h35’30 mais décroche tout de même une méritoire 114ème place finale à l’arrivée. Anthony est déjà sur la table de massage après avoir arraché une superbe 68ème place en 09h51’31 !

La ligne franchie, un brin de lucidité me reste pour effectuer un rapide bilan : 10h04’26 d’effort, une première participation avec l’élite de ce sport, des conditions climatiques particulièrement âpres cette année, une ambiance délirante dans l’aire d’arrivée : je suis comblé et je savoure avec délectation ce moment de bonheur !

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La soirée et les jours qui suivent se déroulent sur ce même ton d’euphorie : visite de cette île somptueuse, lever de soleil au sommet du Mauna Kéa, un volcan culminant à 4 200m, et baignades dans les vagues du Pacifique qui ne sont pas sans me rappeler celles du Sud-ouest de ma jeunesse…

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Dans l’avion du retour, le rêve se poursuit encore : j’ai en effet le privilège d’être assis à côté de Thomas Hellriegel, vainqueur de Hawaii 97 et acteur important de ceux qui ont fait la légende de cet Ironman ! C’est trop…

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Retour aux sources

12 heures de décalage horaire, la reprise du travail, une météo p… (franc-comtoise, quoi…), le retour à Belfort est délicat mais n’altère en rien ce magnifique souvenir. Une légère récupération active à la piscine et le partage de ces souvenirs avec mes copains du Tri-Lion Belfort entretiennent le rêve.

Je remercie sincèrement tous ceux qui m’ont soutenu de loin durant cette course (Ils se reconnaîtront). Ils ont largement empiété sur leur temps de sommeil pour suivre l’évolution des évènements en direct sur Internet … J’ai pensé fort à eux à chaque pointage électronique et je leur dois une bonne partie des forces puisées dans les moments difficiles. Encore merci…

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Epilogue

L’Ironman d’Hawaii est une épreuve extrêmement spécifique : une préparation minutieuse tant sur le plan de la condition physique que sur celui du matériel conditionne étroitement la performance. En outre, plus que n’importe quel autre Ironman, cette expérience renforce énormément la connaissance de soi, du point de vue physiologique comme psychologique. Je n’ai qu’une hâte : me re-qualifier pour cette épreuve car j’ai le sentiment d’avoir les cartes supplémentaires en main pour progresser encore.

Pour terminer, quelques pensées plus générales pour les triathlètes dont l’idée de participer un jour à un Ironman, effleure l’esprit : n’enterrez pas ce germe, laissez mûrir puis foncez : adhérez à ce concept de compétition à part. Car si un Ironman est un projet, une aventure dont la passion représente la seule ligne directrice, il n’en reste pas moins dédié au véritable compétiteur : compétition contre soi-même, compétition contre les autres, compétition contre mais aussi avec les éléments naturels de notre Terre…

Et pour caractériser et mener à bien cet investissement, l’américain n’a pas son pareil : “Train safe, race hard, and have fun!” (adage Ironman…)

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